Archives expositions personnelles France

Archives expositions personnelles (P-Q)



Extraits du texte de Colette Garraud 1ère partie
Le jeu de Dédale, ou le labyrinthe comme partition


"Le labyrinthe végétal est un ornement familier des parcs. Le plus souvent, ses nombreux carrefours imposent de procéder à une succession de choix, à l’issue desquels le promeneur risque évidemment de se perdre, sans pouvoir atteindre ni centre, ni sortie. Ces aimables "jardins aux sentiers qui bifurquent" peuvent apparaître comme une métaphore, ludique et décorative, du destin. Mais il est d’autres labyrinthes – ceux, par exemple, dont des gravures de l’âge de pierre nous ont laissé l’image – dont le plan est, selon le terme consacré, "monopériple": c’est dire que celui qui y pénètre n’a d’autre possibilité que d’aller jusqu’au cœur. Pour y affronter le minotaure, selon la légende antique, ou s’y rencontrer soi-même avec effroi, lorsque la bête fabuleuse vient symboliser les forces obscures tapies dans les profondeurs de la psyché. Sur ces deux formes de labyrinthe, on pourrait se référer à bien des textes savants. On préférera évoquer l’humoristique conférence-performance filmée que leur a consacré Eric Duyckaerts, elle-même montrée dans un dédale inspiré par les labyrinthes de foire et les réseaux de canaux vénitiens, tout en verre et miroirs, et qui fut parmi les derniers avatars d’un thème dont se sont bien souvent emparés les artistes contemporains (Biennale de Venise, 2007).


Gilles Picouet, Dédale, Cour du Musée du temps Besançon © Gilles Picouet, courtoisie de l'artiste Gilles Picouet, Dédale, Cour du Musée du temps Besançon © Gilles Picouet, courtoisie de l'artiste

Gilles Picouet, Dédale, Cour du Musée du temps Besançon © Gilles Picouet, courtoisie de l'artiste


Ce qui est frappant, dans le cas de Dédale, labyrinthe de métal érigé par Gilles Picouet dans la cour du Palais Granvelle, c’est qu’il procède à la fois des deux modèles, en les détournant tous deux. De plan monopériple, il offre au promeneur un couloir unique de plus en plus étroit au fur et à mesure que l’on s’approche du centre. L’artiste évoque une coquille d’escargot… qui serait carrée! Mais ce plan est en quelque sorte démenti par l’élévation, puisque les parois du couloir sont constituées de panneaux mobiles glissant sur des rails (invisibles car cachés sous le plancher), que le visiteur peut déplacer pour se libérer, prendre des chemins de traverses, voire sillonner en tout sens la structure. Sans jamais se perdre, puisqu’il est maître de son parcours, à la fois usager et interprète de l’œuvre. [...]


L’utilisation du métal pour Dédale s’inscrit dans cette même expérimentation de matériaux et de techniques, mais mobilise, pour son traitement, des moyens et des collaborations autrement plus importants. "Il faut pour le réaliser 15 tonnes de matière brute, précise le chef de projet, dont il restera 13 tonnes de matière finie". Par ailleurs, si jusque-là le côté "cheap" des matériaux utilisés par l’artiste pouvait surprendre, par contre, l’acier corten a depuis longtemps acquis ses lettres de noblesse dans le champ de l’art contemporain: Richard Serra, Rudi van de Wint, entre autres, ont largement exploité, pour des pièces en extérieur, sa propriété connue de produire une rouille auto-protectrice. Ici, c’est aussi le côté chaleureux de ses teintes rousses qui a incité Gilles Picouet à l’utiliser pour la face interne des panneaux, créant une forme d’intimité, alors que des tôles d’acier galvanisé ont été choisies pour l’extérieur et pour le plancher : c’est, à l’inverse, un matériau clair et froid, mais dont l’éclat s’accorde particulièrement avec la moire bleutée de la pierre caractéristique des constructions nobles de la cité bisontine. Il est marqué sur toute sa surface d’un motif oblong en relief. Au niveau de l’inscription - Dedalus Icarus – sur les deux panneaux centraux, le motif devient triangulaire, évoquant lointainement une formation d’oiseaux migrateurs aux yeux de l’artiste. Celui-ci rejoint Jacques Lacarrière, qu’il cite volontiers, dans une vision heureuse de l’envol d’Icare: "Quel délice! Cette aube, ce vent léger, ce vol, surtout cette liberté, cet horizon !".


 Gilles Picouet, Dédale, installation
 Cour du Palais Granvelle, Besançon - 25.09 - 13.11.2010
 
Extraits du texte de Colette Garraud 1ère partie

Gilles Picouet, Dédale, Cour du Musée du temps Besançon © Gilles Picouet, courtoisie de l'artiste

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Gilles Picouet, Dédale, texte de Colette Garraud 2ème partie

Exposition du 25 septembre au 13 novembre 2010. Installation de Gilles Picouet dans la Cour du Palais Granvelle (Musée du Temps) - 25000 Besançon.


Gilles Picouet, Dédale, Cour du Musée du temps Besançon © Gilles Picouet, courtoisie de l'artiste

Les multiples façons de produire, entreposer, manipuler, travailler les matériaux, sont au cœur du travail de Gilles Picouet. En chantier!, c’était le titre d’un de ses catalogues. [...]


Dans le cas du labyrinthe, ce moment du chantier, lieu des échanges constants entre l’artiste et l’équipe de l’usine (un ingénieur, un chef de projet, et deux soudeurs) est crucial. Gilles Picouet n’est en rien un artiste conceptuel qui laisserait à d’autres le soin de l’exécution. Il faut souligner au contraire que c’est la production spécifique de l’entreprise Mantion, fabricant de rails, poutres roulantes et autres portes coulissantes, qui est à l’origine du projet artistique, pour lequel les techniciens viennent à leur tour suggérer des solutions innovantes au regard de leurs pratiques habituelles, en particulier en installant le rail en-dessous des panneaux alors qu’il était jusque là posé en hauteur."