Archives expositions personnelles France
Archives expositions personnelles (R)
Extraits du texte de Federica Martini
Didier Rittener présente à Toulouse un ensemble de paysages désertiques, une nature minimale ou, comme le dit le titre de l'exposition, une nature apparemment à l'"état sauvage", déclinée dans des dessins sus papier calque de petites dimensions, sur papier peint, des transferts et des sculptures qui entrent en résonance avec l'architecture de la galerie. Il s'agit d'images brutes, d'écrans vides en attente d'action, de matière prête à être activée.
Plusieurs dessins dans l'exposition dérivent des documents photographiques du Land art. Ces photographies intriguent Rittener par le manque de symétrie dans le paysage, par leur excès de vide : le geste de l'artiste prend une place centrale dans le cadrage des documents sur les earth works, au dépends de la scène naturelle.
Le paysage de Désert avec un piton rocheux (2008) représente un bout de désert du Sahara où Richard Long avait réalisé une intervention en 1988. Redessinée par Rittener en omettant le Sahara Circle de Long, l'image se présente comme une scène vide, dont l'artiste modifie l'équilibre en posant une sculpture en bois devant le papier peint.
Didier Rittener, Sans titre, 2008. Crayon gris sur calque, 21 x 29,7 cm
Intitulé Little Wilderness (2009), l'objet se compose de plusieurs éléments en bois, dérivés du tableau Supremus N° 50 (1916) de Malevitch et empilés, sur des traverses, comme une sculpture stockée dans un dépôt. Elle répond à la sculpture Spiraleas (2007) dans la salle voisine - une bobine noire métallique autrefois installée comme une torsade qui se propage dans l'espace. Les deux sculptures peuvent être rattachées à une lecture historique des formes, souligne Rittener, à cause de leur "double mémoire", qui relève tantôt de l'histoire de leurs propres précédentes installations et de celle d'autres oeuvres. Ainsi, la série de plaques en verre brisées et recomposées qui forment Recomposition II (2009) nous présente à la fois les résidus d'une oeuvre et un stade de leur production. Le verre apporte à la sculpture un caractère évocateur, puisque ce matériau a la capacité de retenir des traces du processus - la brisure, la brûlure (1) - que l'artiste lui impose.
Ce que les 18 plaques en verre de Recomposition II nous montrent est une série d'images uniques, chacune liée aux autres par le fait qu'elles font partie d'une séquence et par la mémoire qu'elles gardent de la forme précédente. Dans le roman England, England, Julian Barnes affirme que la mémoire n'est pas un objet, mais "un souvenir d'un souvenir d'un souvenir, comme une image vue dans des miroirs parallèles." (2). A chaque reflet, le point de vue change, car les miroirs peuvent déformer l'image et influencer les modes de son apparition.
Chez Rittener, les craquelures dans les plaques en verre ne correspondent pas à un désir d'augmenter la présence d'une image mais, au contraire, à l'envie de la démultiplier et de la ralentir (3). La brisure sur le verre fonctionne donc comme "une distorsion de la mémoire et de la matière" capable de créer un nouvel élément visuel.
(1) En 2008, à l'occasion de l'exposition à la galerie Lange & Pult à Zürich, Rittener réalise Wilderness (2008), une sculpture d'éléments en bois brûlé jusqu'à devenir complètement noir.
(2) Julian Barnes, England, England (1998) tr. fr. England, England, Paris, Mercure de France 2000, p. 15.
(3) Jean-Pierre Criqui, "Ralentir, Images", in Storm Brender, Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser (dir.), Attitudes éditions - collection dessin, Genève 2007.
Didier Rittener, L'aube, 2008, prototype pour le transfert au format A4, encre dur transparent
Didier Rittener, Etat sauvage
Galerie Sollertis, Toulouse
25.09 - 18.10.2009
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Exposition du 25 septembre au 18 octobre 2009. Galerie Sollertis, 12 rue des Régans - 31000 Toulouse. Tél.: +33 (0)5 61 55 43 32. Ouverture du lundi au dimanche de 12h à 19h, nocturnes les 2-3 octobre jusqu'à 00h30.
Dans le cadre du Printemps de Septembre - à Toulouse.